Il y a 4 ans et 303 jours
Macron veut relancer la réforme des retraites, Castex souhaite la régler "à court terme"
Suspendue "sine die" par le chef de l'État mi-mars, la réforme des retraites reste un sujet hautement inflammable.Dans un entretien à la presse quotidienne régionale publié jeudi soir, M. Macron a affirmé qu'"il n'y (aurait) pas d'abandon" de son projet de système universel, qu'il juge toujours "juste", même s'il se dit "ouvert" à ce que sa réforme "soit transformée".Il souhaite aussi "réengager rapidement une concertation en profondeur (...) dès l'été sur (le) volet des équilibres financiers" et considère que "la question du nombre d'années pendant lesquelles nous cotisons demeure posée".En réalité, le problème financier devient brûlant: le déficit du système de retraites devrait approcher cette année le niveau record de 30 milliards d'euros, très loin des 4 milliards attendus avant la crise provoquée par le coronavirus.Selon les estimations dévoilées mi-juin par le Conseil d'orientation des retraites, cette dégradation se concentrerait sur les caisses des salariés du privé à hauteur de 27 milliards d'euros, à cause du recours massif au chômage partiel, tandis que les régimes spéciaux et la fonction publique seraient épargnés.La branche retraite de la "Sécu", l'assurance vieillesse, devrait à elle seule enregistrer une perte de 15 milliards.Le régime complémentaire du privé, l'Agirc-Arrco, qui a sollicité une avance de Bercy avant de recourir aux banques pour verser les pensions de juin, n'aura sans doute d'autres choix que de puiser à nouveau dans ses réserves.Raisons de plus pour reprendre la "conférence de financement" lancée en début d'année et interrompue par l'épidémie. Sauf qu'à cette époque, syndicats et patronat avaient déjà du mal à s'accorder pour résorber un "déséquilibre annuel de l'ordre de 12 milliards d'euros en 2027"."L'huile sur le feu"Aujourd'hui, alors que le feu couve, les intéressés ne sont pas pressés d'y retourner. "On est dans une situation très compliquée économiquement et socialement", a souligné le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, pour qui "la priorité des priorités, ça doit être l'emploi"."Des milliers de gens vont arriver malheureusement au chômage, 800.000 jeunes vont arriver sur le marché du travail (...) On ne va pas se remettre à se foutre sur la gueule sur la question des retraites dans cette période", a-t-il ajouté.S'il "continue à être pour un système universel des retraites", le leader du premier syndicat français a prévenu que "le débat sur l'augmentation de la durée du travail serait une ligne rouge"."Ce n'est vraiment pas le moment de remettre ce dossier sur la table", a également affirmé le numéro un de Force ouvrière, Yves Veyrier, qui entend prendre attache avec les autres dirigeants syndicaux et patronaux pour envoyer un message commun au président de la République: "Il faut qu'on lui dise non".Après les longues grèves de décembre et janvier, puis le recours au 49-3 à l'Assemblée nationale début mars, "on risque de rouvrir de la tension, un conflit social", a-t-il mis en garde."Il faut être très prudent pour ne pas remettre de l'huile sur le feu", pense aussi Dominique Corona, secrétaire national de l'Unsa.En plein remaniement de l'exécutif, il attend "d'avoir le gouvernement, les arbitrages et la feuille de route" de la nouvelle équipe qui sera chargée de mettre en œuvre l'emblématique mais controversée promesse de campagne du candidat Macron.Castex veut régler "à court terme" le dossier des retraitesLe Premier ministre Jean Castex affirme souhaiter conclure le Ségur de la Santé "la semaine prochaine" et régler "à court terme" le dossier des retraites, dans un entretien publié dimanche dans le JDD où il prévient ne pas croire "au consensus mou"."Des décisions essentielles sont sur la table. L'emploi, évidemment, qui dans le contexte actuel requiert une mobilisation de tous dans le cadre de la nouvelle donne sociale lancée par le président de la République. Le soutien aux soignants et la transformation de notre système de santé dans le cadre du Ségur que je conclurai la semaine prochaine", a-t-il déclaré.Faute d'accord avec les syndicats avant un remaniement imminent, le gouvernement de son prédécesseur Edouard Philippe avait décidé jeudi de prolonger de quelques jours le "Ségur de la santé", alors qu'une enveloppe de sept milliards d'euros se trouve sur la table pour les salaires des soignants."Le plan de relance doit être finalisé. À quoi s'ajoutent les réformes qui étaient dans les tuyaux sur les retraites et l'assurance chômage. Et celle de la dépendance qui devra venir ensuite et correspond à une nécessité. Tous ces sujets sont directement impactés par la crise, ce qui nécessite de les reprendre dans un cadre concerté et avec une cohérence d'ensemble", a-t-il ajouté.Interrogé sur les inquiétudes des syndicats concernant les retraites, il a affirmé que "dire qu'on va réexaminer un sujet, ce n'est pas se renier. C'est montrer notre capacité d'adaptation aux nouvelles circonstances, qui sont douloureuses"."Nouvel agenda social""Par exemple, la crise a aggravé fortement le déficit de nos régimes de retraite. Je souhaite reprendre le dialogue avec les partenaires sociaux, c'est indispensable. Arriverons-nous à régler ces dossiers à court terme? C'est mon souhait", a-t-il dit."A minima, nous devrons nous fixer un nouvel agenda social", a-t-il poursuivi, affirmant espérer un "compromis, qui n'est pas une compromission" pour sauver les régimes de protection sociale.Il a défini sa méthode comme "un mélange de volontarisme et d'expérience, avec le souci de rassembler". "Mais attention, je ne crois pas au consensus mou. Le temps est à l'action", a-t-il averti.Il a dit mettre "les bouchées doubles" avec Emmanuel Macron pour annoncer au plus vite son gouvernement. Répondant aux rumeurs sur une équipe resserrée autour de grands pôles principaux, il a affirmé ne "pas être sûr que des périmètres trop étendus soient forcément la garantie d'une plus grande efficacité".Après la forte percée verte aux municipales, il a répété que l'écologie n'était "pas une option". "C'est une obligation", a-t-il ajouté. Il entend "accélérer" les décisions en listant "avec les acteurs locaux tout ce que l'on peut faire immédiatement" comme la lutte contre les fuites dans les réseaux d'eau, contre l'artificialisation des terres, pour l'isolement thermique, les toitures photovoltaïques, ou le bien-être animal.L'ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy qui vient de rendre sa carte chez Les Républicains, s'est dit "peu attaché aux affaires des partis" mais a estimé "naturel" de s'inscrire "sans ambiguïté" dans la majorité présidentielle, car "celui qui accepte de devenir Premier ministre est, par vocation, le chef de la majorité : c'est son devoir de l'animer et de l'associer".Face à ses détracteurs qui le voit comme un simple exécutant de la volonté présidentielle, il a souligné qu'il n'entrait "pas dans les intentions du chef de l'État de faire de (lui) un subordonné voué aux tâches secondaires".Et de poursuivre: "Quand vous aurez appris à me connaître, vous verrez que ma personnalité n'est pas soluble dans le terme de +collaborateur +".